Un voilier en plongée

Publié le par Fab

"Chionis" s'offre une plongée dans les abysses de la ville et ses mirages.
Buenos-Aires, la capitale état d'Argentine, abrite 3 millions d'âmes, mais avec sa grande banlieue c'est 14 millions de personnes qui vivent dans ses environs immédiats,  la faisant ville la plus peuplée Amérique du sud.
La moitié de cette population semble en permanence battre le pavé dans les rues de la métropole, courant plus qu'ils ne marchent entre les stations de métro et des lieux inconnus pour le profane, comme tous attirés par des aimants géant qui quadrilleraient les différents quartiers, pendant que l'autre peste au volant, zigzaguant à la recherche d'un échappatoire à ces routes saturées de véhicules hétéroclites.






Je me demande en regardant le monde s'agiter autour de moi à quel moment l'esprit humain accepte sa condition sans plus chercher à l'amméliorer ou la fuir, quand se résigne-t-il à vivre une vie de merde dans un entourage injuste et un environement puant, cherchant ses seules joies dans l'abrutissement télévisuel et seuls plaisirs durant les quelques semaines de congés que lui accorde généreusement son patron.





Jusqu'à présent j'avais soigneusement évité les grands centres urbains, leur préférant la solitude des criques, embouchures de rivières et autres petites baies. Malheureusement, les soins que requiert mon beau navire ne s'appliquent pas en pleine nature, et Buenos-Aires possède cet énorme avantage d'être la seule ville Amérique du sud offrant tous les services et matériels nautiques à prix compétitifs. Nous voilà donc cernés de tours de verres et de blocs en béton, humant a plein poumons un air saturé d'oxyde de carbone, et le port de commerce proche nous impose d'impréssionnants voisins.




Il y a encore moins d'une semaine j'avais trouvé refuge à Riachuelo, un petit rio aux portes de Colonia en Uruguay, cadre idyllique et solitude assurée.
L'arrivée dans ce paradis végétal fut des plus mouvementée, 40 noeuds de NE m'ont permis d'avaler en 20 heures les 120 miles qui le séparait de l'île de Flores, prés de Montevidéo.
 Les 50 annoncés pour le lendemain au SW ont tenus leur promesse, 18 bateaux jetés à la cote, un mort.
Je suis arrivé bien fatigué, froid, pluie, pas de pilote pour cause d'embardées trop fréquentes, conséquence logique je suis entré trop rapidement dans la passe étroite, un coup de tonnerre a retenti dans tout le bateau, premier talonnage de "Chionis" contre un rocher immergé. J'ai mal jugé la vitesse du courant qui me poussait a l'intérieur du rio.




Plus de peur que de mal, rien n'a bougé, mon bateau est solide.

Moi moins, je m'entaille la main profondément en assurant le mouillage, je patauge dans l'eau glacée pour aller m'arrimer à un arbre, le moteur refuse obstinément d'accélérer.
Un bandage avec une chaussette et un décrassage des filtres à gasoil et à air plus tard, je peux enfin me reposer et laisser passer en confiance la grosse dépression (11 Beaufort annoncés, les initiés apprécieront!).




Un rapace niché sur une branche voisine veillera sur mon voilier lors de mes nombreuses escapades champêtres. La rivière est ceintes de forêts d'eucalyptus et de pins, de bosquets de bruyère, bordée par des plages de sable fin, des petites cascades en amont font chanter les galets.

 De nombreux oiseaux, chevaux,  bovins seront ma seule compagnie pour cette semaine passée trop vite. Un tour par la ville de Colonia, une quinzaine de kilomètres plus a l'ouest,  pour prendre la météo et nous quittons l'Uruguay pour l'Argentine.





En guise de bienvenue, le Yacht Club Argentin m'offre une semaine gratuite dans son bassin.

Douche chaude, accès internet dans un bâtiment d'époque, meubles en bois précieux, fauteuils de cuir, salon privé, un bon aperçu des us et coutumes locales, ici on ne fait pas de la voile mais du "yachting", réservé à l'élite. Les propriétaires de voiliers sont tous membre d'un club, plus ou moins luxueux selon le standing de ses adhérant.


Le premier contact avec l'administration du pays ne m'enverra pas derrière les barreaux comme en Uruguay, l'expérience passée m'aidera à supporter l'épreuve et a réprimer la furieuse envie d'écraser mon poing sur la gueule de ces fonctionnaires oisifs et suffisants.
Trimbalé de bureaux en offices, d'incapables en incompétents, je collectionne les coups de tampons qui font l'orgueil de toute administration, mon imperméable n'est pas de trop pour éviter les giclées orgasmiques que procure à ces  bureaucrates baveux l'acte de frapper rageusement les feuillets imprimés avec leurs précieux outils de bois et de caoutchouc.


Délivré pour un temps des obligations administratives, je peux me ballader dans les rues grouillantes de la capitale. L'architecture est un mélange relativement harmonieux d'ancien et de moderne, les grands édifices coloniaux se mêlant aux grattes ciel de verres.
Buenos-Aires est une cité hyperactive, sa marche est a peine freinée par la pandémie actuelle. La Grippe A a tué 60 personnes au moins, en a contaminé 2500, et l'Argentine est le pays le plus touché aprés les USA et le Mexique. En ce long week-end de fête nationale les lieux publics resteront clos, théâtres, cinémas, salles de spectacle, pour limiter la propagation du virus. La presse accuse le gouvernement de lenteur, de n'avoir pas réagit dés les premiers cas avérés.



Le tourisme est en chute libre, l'économie en souffre, le pays semble avoir été condamné par une force maligne à avancer de crise en crise, à peine se remet-il d'une que la suivante le frappe de plein fouet. Dictature militaire, guerre des Malouines, effondrement économique, inflation galopante, crise du boeuf (l'argentine en est le premier exportateur mondial), et maintenant grippe A. malgré tout le peuple reste confiant et le patriotisme s'exprime dés le plus jeune âge.


Evidemment il y en a, toujours plus nombreux, qui restent sur le bord de la route... Tout le monde ne peut appartenir au club trés fermé des privilégiés qu'aucune catastrophe n'atteindra jamais.


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D
bonjour Fab<br /> Je suis sur mon portable et n'ai pas pris ton mail, c'est pourquoi je passe par ton blog<br /> Je voulais savoir si tu cherchais toujours 2 équipiers pour le canal de beagle et quand tu comptais faire cette navigation? et de quel endroit tu partais (surement USHUAI)<br /> A +<br /> Didier
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