De mer à océan

Publié le par Fab

 

                                                                                                     

Quelques miles séparent l’Espagne du Maroc, l’Afrique de l’Europe, la mer Méditerranée de l’océan Atlantique. Dans sa partie la plus étroite le détroit de Gibraltar ne compte que 7 miles, soit moins de 14 kilomètres, ou transitent à toute heure du jour et de la nuit un nombre ahurissant de navires, tankers transportant autant de pétrole dans leurs soutes qu’ils n’en consomment, portes containers aux allures de murailles flottantes composées de boîtes métalliques multicolores superposées, méthaniers, chalutiers, croiseurs de tout types, vaisseaux de guerres, et des petits voiliers se frayant un passage au milieu de ces mastodontes. Je suis content de quitter la Costa Del Sol, longue suite de plages bordées d’immeubles laids et semblables, paradis des européens du nord cherchant un coin de soleil dans leur grisaille annuelle. Seul le contraste de la Sierra Nevada enneigée, se détachant en arrière plan et dominant ces plages interminables, vue du pont de mon petit navire égaiera cette navigation côtière si monotone depuis Cartagéne. Une halte courte et sans autre intérêt que de faire le plein à prix détaxé à Ceuta, enclave espagnole sur le territoire marocain, avant de quitter la méditerranée. Rien n’évoque les événements dramatiques d’octobre 2005 lorsqu’ici et à Mellila, autre enclave ibérique sur la cote méditerranéenne du Maroc, l’armée à courageusement ouvert le feu du haut de leurs hélicoptères sur ces candidats à l’immigration, coincés entre barbelés espagnols et fusils mitrailleurs marocains , éclairés par les projecteurs des uns et décimés par les balles des autres. Les médias ont pudiquement parlé d’une quinzaine de morts alors que plusieurs centaines de personnes ont péri selon les témoignages. Je ne cherche pas à faire du prosélytisme pour la cause des peuples du tiers monde, juste rappeler que ces faits dramatiques sont la conséquence directe du désir d’isolement prôné à cette époque par un ministre de l’intérieur en campagne, devenu président depuis, qui finance la protection des frontiéres du magreb des "envahisseurs" subsahariens.

 

 

 

 

 

Tanger sera notre première étape africaine. Ville de tout les espoirs pour une jeunesse aveuglée par les images cathodiques d’une Europe édulcorée, et galvanisée par les récits enjoliveurs de ceux qui en sont revenus, certes financièrement plus riche, mais tellement plus pauvre humainement. La marina délabrée au nom pompeux de « Royal Yacht Club Tanger » est une escale obligatoire, le prix prohibitif autorise de se mettre à couple en bout de ponton et brancher l’électricité du bord directement dans le coffre, en se pontant sur des fils dénudés. L’amabilité des différentes autorités gomme bien vite l’aspect misérable de l’endroit, jamais douanier, policier et agent d’immigration n’ont été aussi affables et sympathiques. Nous voila donc légalement en doit de déambuler sur les cotes du royaume.

 

 

 

 

Abdesselam m’accueille et me raconte son Maroc, tellement différent de celui entrevu par les hublots de ferrys crachant des nuées de touristes pressés dans les rues de la médina. Abdesselam gagne l’équivalent de 180 euros par mois, pour travailler 6 jours par semaine dans la marina, 3 enfants et sa femme à charge, aucune aide du gouvernement. Il veut surtout attirer mon attention sur le fait que le propriétaire de la marina est un richissime Tangerois qui use de son influence au gouvernement pour maintenir les salaires aussi bas, et que toute protestation se trouve sactionnée par un renvoi immédiat. C’est dur mais il s’en sort avec quelques petits boulots glanés par-ci par-là, au royaume de la débrouille tout le monde est polyvalent, tour a tour gardien de ponton, guide pour les plaisanciers comme lui, ou ministre de l’intérieur et mère porteuse comme Rachida. Les exemples sont nombreux.

 

 

Les portugais, présents sur ces terres au XVIéme siècle, ont érigés sur la cote atlantique des villes fortifiées, comme Assilah. Dédales de rues encaissées, délimitées par de hauts murs blanchis à la chaux, la vieille ville et aujourd’hui un repère d’artistes peintres laissant libre cours à leur talent et imagination sur les façades des bâtiments. Loin de l’agitation frénétique des grands centres urbains, la ville semble perpétuellement somnolente, les clients traînent leurs savates entre les étals de marchands avachis sur des tabourets datant probablement de l’époque portugaise.

 

 

 

 

 

 

Errer entre ces échoppes est un bonheur simple, rien ne semble pouvoir troubler la quiétude du lieu ni ôter des lèvres ces sourires généreux. J’aime Assilah et ses habitants, son port gardé par des bancs de sable dangereux et remuants, ses habitants pour qui rien n’est vraiment important, ses chiens miteux et estropiés qui sautillent dans les rues défoncées de la nouvelle ville, ce jeune barman si heureux de m’inviter à sauter le comptoir pour m’apprendre à préparer le traditionnel thé à la menthe.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Je savoure ces étapes car il reste beaucoup de miles à courir avant le Sénégal et je ne vais pas passer autant de temps que je le voudrais dans ce pays, les fêtes en Casamance sont a ce prix. Cette nuit départ pour Casablanca, je retrouverais avec joie cette métropole, poumon économique du royaume, ou nous avions trouvé refuge en 2003 après un passage du golfe de Gascogne mouvementé sur un bateau fatigué.

 

 

 

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